Attention, glace mince! [Russie]

Russie était de ceux qui affectionnaient le retour des beaux jours. L'hiver était plus court ici, et c'était vraiment le seul point positif qu il trouvait à ce vilain pays où il était condamné à crécher depuis des années. Plus court et moins rigoureux aussi, mais quoi qu'il arrive, le souci restait que l'hiver russe, il le trimballait en constance à l'intérieur de lui. Voui, il partage, aussi, parfois. Sauf que le froid que Russie dégageait, il était toujours possible d'y échapper en s'éloignant de lui, mais lui-même était pour ainsi dire coincé avec. Alors oui, vraiment, le retour du printemps et, mieux encore, celui de l'été, où qu'il soit, sonnait comme les flonflons d'une vraie fête.
Autant dire que la motivation d'aller se claquemurer à l'intérieur et à fortiori au sous-sol du gymnase était très, mais alors très, très moyenne. Ouaip, il avait une grande affection pour le hockey, mais à choisir, uuuh. Non, en été, il préférait largement aller traîner dans les endroits les plus ensoleillés possibles. Même si, pour être honnête, il avait bien du mal à tolérer la haute chaleur très longtemps. On veut toujours ce qu'on ne peut pas avoir, hein ?
De toute façon, quitte à rester bloqué à l'académie tout l'été... Pas par choix, oulà non, loin de là. Mais chez lui, eh bien... c'était très loin, et puis ils étaient trois, et même quatre, ce qui rendait l'affaire complexe ; Katya... Katya voulait aller en Ukraine, et elle n'avait pas eu l'air très motivée à l'idée qu'il l'accompagne. Il était le seul à se demander pourquoi, d'ailleurs. Insérez ici une bonne quantité de candeur high level, ou la même proportion de mauvaise foi, au choix. Bref, quitte à passer les vacances sur place, autant profiter du seul aspect sympa des lieux, c'est à dire un été plus long. Ouais, bon, ok, et plus chaud aussi.

De fait, la seule raison pour laquelle il se présenta au local dédié, ce jour là, était de récupérer des affaires oubliées dans un coin. Russie n'est pas exactement le type le plus ordonné du coin. Pas qu'il soit spécialement de nature bordélique, mais il y avait toujours une ukrainienne ou un lituanien pour ranger son souk, alors l'automatisme de le faire lui-même... Bof, quoi. De toute façon,il ne s'attarderait pas, les lieux étaient vides...
Vides.
Canada passait si facilement inaperçu, aussi paradoxal que ce soit au vu de son envergure physique. Il explosait tous les records de discrétion, un potentiel maître ninja, un potentiel pro de la filature, Canada sans déc, il aurait fait un malheur dans d'autres corps de métiers. Dommage que ce soit un pays, et que cette caractéristique le desserve, tit père. Presque personne ne voyait le canadien, et Russie ne faisait pas exception. Il attrapa son sac et se dirigea vers la sortie.

Il aurait pu ainsi entrer et sortir sans remarquer le malheureux, s'il n'avait pas avisé un manche de crosse qui traînait par terre, et encore, c'était vraiment parce que la chose était sur son chemin. Il la ramassa, et de par la résistance qu'il rencontra, il releva les yeux se rendit compte qu'à l'autre bout, il y avait quelque chose... ah, quelqu'un, quelqu'un qui pouvait aisément prétendre à soulever en lui une solide vague nauséeuse : Amér... ah, non. Epouvantable, la ressemblance, hein ? Pauvre Canada, cruel destin que cette similarité aussi étroite avec l'autre grande gueule.


"Ah ^^ Rrrussie pas avoirrr vu toi."


Sérieeeuux ? Ah bah quelle surprise, on s'y serait pas attendus.
Enfin, il relâcha le manche et se redressa, ajoutant à mi-voix, avec son sourire standard n°3, l'inexpressif au possible,le bien opaque qui n'exprime pas grand chose.


"Drrrôle idée rrrester enferrrmé ici, da ? Grrrand beau soleil dehorrrs ♥"

Bien que le canadien était involontairement aussi discret qu'un verre de terre, ça ne l'empêchait pas de tout remarquer. Il était exactement comme un fantôme malgré sa physionomie. Peu importe où il se trouvait, ses oreilles étaient toujours à l’affût, obtenant des informations et des bouts de conversation par-ci par-là. Le blondinet voyait presque tout et était au courant de pas mal de rumeur malgré le fait qu'il n'y portait pas spécialement attention. Il arrivait juste à écouter et que à un moment donné, il entende un potin. Cependant, il ne communiquait jamais ce qu'il entendait et de tout façon, qui serait là pour l'écouter. L'effet grandement négatif à savoir les petits secrets de l'académie était de vivre dans la solitude. En y repensant, s'il n'avait pas été un représentant de pays, il aurait pu facilement devenir assassin ou informateur. En fait, il pourrait faire un carnage à l'école et il ne serait jamais suspecté. Encore chanceux qu'il soit tout gêné et innocent, sinon le canadien aurait pu être dix fois pire que Russie.

Parlant du loup, au moment où celui-ci pénétra dans la salle, Canada leva les yeux vers la porte lorsqu'il entendit les pas lourd fouler le sol du local de leur club. Matthew ne savait pas vraiment comment considérer le russe. Le blondinet à lunette ne détestait personne malgré l'opinion de certain pays dictateur. Il n'était pas pour, c'est sur, mais Canada vivait sur le principe de différence de culture et même si le Russe imposait un régiment de terreur, Matthew préférait ne pas se mêler des méthode de son compatriote de froid. Le canadien n'avait pas peur de la montagne froide, il ne se sentait juste pas très à l'aise en sa présence.  Et puis, à chaque qu'il le voyait, il se sentait un peu coupable de l'avoir frappé pour rien. Le nord américain ne s'était pas encore excusé adéquatement d'avoir levé la main sur un...collègue de club. Là était surement le meilleur moment qu'il aurait pour lui présenter ses excuses...encore fallait-il que le russe le voit.

Lorsque Russie passa à côté de lui sans lui adresser la moindre parole, la vaillance du canadien s'éteignit d'un coup, préférant rester dans le silence que de plutôt partir une seconde bagarre. Le scénario de la vengeance collait parfaitement avec le russe selon les pensées du canadien. Il valait mieux passer inaperçue le plus longtemps possible. Seulement, alors que Matthew retournait à ses occupations, le ruskov se pencha pour ramasser son bâton de hockey, remarquant instantanément le canadien.

"Ah!Rrrussie pas avoirrr vu toi", lui dit-il avec son sourire innocent habituel qui donnait froid dans le dos.

Canada soupira silencieusement en entendant la fameuse phrase clé. C'était assez quotidien comme remarque que maintenant il ne faisait que rouler les yeux et ignorer la remarque. Tout de même il força un petit sourire et acquiesça de la tête en signe de bonjour. S'il devait se fâcher à chaque fois que quelqu'un lui disait ça, l'école entière serait décimé. Le blondinet à lunette continua sa besogne, ayant tout retiré le "tape" noir défait, malgré le russe qui continua de lui parler.

"Drrrôle idée rrrester enferrrmé ici, da ? Grrrand beau soleil dehorrrs."

Matthew gratta un peu le rouleau de ruban noir pour ensuite décoller un bout et commença à l'entourer autour du bout de la palette. Tout en s'appliquant à la tache, il répondit d'un ton neutre au russe.

"C'est là que je vais aussi", lui répondit-il sans lever les yeux de son travail. "Je ne fais que réparer mon équipement...et ensuite je vais aller pratiquer mes tirs."

Rendu à la moitié de l'enveloppement de la palette de son bâton, il se demanda s'il devait renvoyer la question à Russie, mais se ravisa. Il ne voulait pas se mêler des choses de Russie et bien franchement, à cause de leur relation...compliqué, ou du moins, c'est ce que Canada imaginait, ça ne l'intéressait pas vraiment. Par contre, il ne voulait pas laisser un long silence malaisant planer dans la salle, alors il continua sa phrase tout en terminant d'envelopper la palette de son bâton de hockey.

"...et puis je ne suis pas très fan du chaud", lui dit-il en coupant le ruban et appuya son doigt sur la partie ciselé sur son bâton. "Je préfère les environnements fraies."

Oh, même sans aller jusque là, Canada pourrait être aisément le meilleur étudiant qui aie jamais mis les pieds à l'Académie, le détenteur historique de tous les records de moyenne dans toutes les matières : lui suffirait juste de faire un saut en sifflotant dans la salle des profs pour récupérer les sujets des examens à venir. Ni vu ni connu. Et il pourrait aussi faire fortune en les revendant à ses condisciples assoiffés de A+. Non, en fait, Canada, c'est ton honnêteté qui est ton vrai handicap. Sans elle, tu serais riche, et célèbre.

Par contre, notre petit caribou se plantait quant aux desseins russes à son encontre. Se venger de Canada ? Russie aurait été assez étonné si on lui avait demandé. Ben, non. Quand bien même Canada lui avait sauté à la gorge et déclenché une bagarre dont il se souvenait encore, parce qu'honnêtement, le canadien enragé lui avait fait mal. C'était d'autant plus rare qu'il n'y avait qu'une poignée de personnes en ces lieux qui faisaient le poids, littéralement parlant, et que Russie, qui n'était pas non plus maso au dernier degré, tâchait d'éviter le conflit avec ceux-là. USA est une exception, mais que veux-tu, USA lui ressort par les yeux.

Pour le reste, c'est vrai que Russie se retrouve souvent dans ce genre de situation. Mais c'est vrai aussi que neuf fois sur dix, c'est pas lui qui tape en premier. D'accord, il n'avait pas vraiment saisi la raison de l'agressivité canadienne. On lui avait bien soufflé que peut-être, il y avait un rapport avec une certaine paire d'yeux en amande couleur ambre, mais Russie, lui, trouvait ça peu probable. La seule chose qu'il regrettait à propos de Chine, c'était l'impossibilité manifeste de rétablir de bons rapports. Parce que bon hein, il avait essayé, mais malgré les sorties corrrdiales, dès le retour à l'Académie, il se heurtait à une Grande Muraille de froideur polaire. Après, bah... Le chinois faisait ce qu'il voulait de son popotin, et si certes Russie avait des opinions dessus, il se les garderait pour lui, là. Et ça lui semblait clair. Par conséquent, il n'avait absolument pas compris l'hostilité d'un canadien généralement effacé dans tous les sens du terme, mais, encore une fois, ce n'était pas une grande première, puisqu'y a une bonne blinde de gens qui ne l'aiment pas juste pour le principe de ne pas l'aimer, même s'ils n'ont jamais échangé deux mots avec. Rancunier, il pouvait l'être, mais pour quelque chose comme ça... Canada aurait collé sa main au cul d'une de ses soeurs, là ç'aurait été une autre histoire. Cette image mentale vous était offerte par notre sponsor. Alors, en somme... Se venger ? Non, pas pour si peu. Du fight potentiel, il n'en a déjà que de trop pour en plus mettre un deuxième service ; son temps est bien mieux employé à aller gratter le copinage avec GRÈCE ! COPAIN !! SISISI. tout ce qui semble copinable, même s'il a une conception de l'amitié qui est... qui est ce qu'elle est, mais alors là, c'est pas le sujet.

Mais est ce qu'il aurait dit qu'il avait avec Canada une relation 'compliquée' ? Lui, il aurait dit 'parrrrticulier', et encore, seulement de son point de vue à lui. A proprement parler et à l'origine, il n'avait rien contre le canadien, ni en bien ni en mal, mais celui-ci n'était pas, à ses yeux, aussi incolore qu'il le lui avait gentiment balancé à la tronche - ah ben oui mais ce soir-là, tu avais cherché les amabilités, mon ptit bonhomme. Au delà du fait qu'il le plaignait - relativement, parce que la compassion de Russie est assez volatile - de devoir se coltiner l'insupportable américain comme frangin, il y avait d'autres points chez Canada qui l'interpellaient assez pour qu'il nourrisse à son égard autre chose qu'une royale indifférence. Comment avait-il dit ? Des jonctions. Qui plus est, depuis quelques temps, il avait remarqué que Canada possédait quelque chose de très important, quelque chose qu'il voulait aussi. Non, bon dieu, j'ai pas dit quelqu'un, j'ai dit quelque chose. Laissez ce pauvre bridé tranquille. D'aaaccord. Il était certes un peu facile d'évincer cet aspect-là, mais Russie avait de bonnes raisons de le faire, et Canada les cernait probablement mieux que personne. Ayé ? Bon !

Donc, que venait de dire Canada ? Parce que Russie ne posait pas de question dans le vide, jamais. Il écoutait toujours, que dis-je, il enregistrait, il intégrait, il avalait toujours les réponses qu'on lui faisait. Le russe, il réceptionne toujours, toujours ce qu'on lui donne, fut-ce simplement une poignée de mots. Les mots de quelqu'un sont toujours bons à prendre : une pensée formulée, c'est, quelque part, un petit fragment de celui qui l'a émise, et on ne refuse pas un petit fragment de quelqu'un, n'est ce pas ? Boui, Russie est un peu beaucoup obsédé par le concept de posséder, c'est un secret pour personne.

Ce qui lui permit donc de prendre connaissance des projets imminents de Canada, et de ses précisions. Qu'il écouta avec toujours le même sourire, sans offrir une autre expression qu'une attention mesurée, conservée lorsque finalement il répondit.


"Vrrraiment. Toi pas avoirrr assez de frrroid chez toi bonne parrtie de l'année ? D'ailleurrrs, toi pas rrrentrrrer chez toi pourrr vacances ? Ca pas êtrrre trrrès loin, pourrrtant."


Et il ajouta, en suivant des yeux les gestes canadiens.


"... Toi aller fairrre ça... tout seul, da ? Ça êtrrre sérrrieux, mais pas trrrès distrrrayant."

Le mignon petit (enfin,petit...) canadien avait donc bien deux facettes. Là était la différence majeure entre lui et Russie : si Canada redoutait de se laisser gouverner par son hostilité latente, ça ne traversait même pas l'esprit de Russie.

Canada et son âme conciliante, qui refusait jusqu'à l'idée d'inspirer la peur.

Qu'il puisse être effrayant, Russie le savait fort bien. Et, en effet, il ne s'en plaignait pas vraiment, parce que son potentiel flippant lui permettait justement de garder le contrôle sur son entourage. Et alors ?
Ses cherrrs camarrrades baltes, notamment, ingrats jusqu'à la moelle, auraient déserté depuis un bail s'ils n'avaient pas peur. Ce n'était pas acceptable. Ils étaient à lui, il en faisait donc ce qu'il voulait, et il y tenait trop pour les laisser filer. Alors, oui !! Qu'ils aient peur, qu'ils meurent de peur à chaque instant, si cela permettait de les retenir.

Par ailleurs, Russie aussi avait peur. Oui, bon, trivialement de certaines personnes, mais aussi et surtout d'être abandonné, bien qu'il aie la conviction que la Grande Russie se suffirait toujours à elle-même.
A la différence de Canada qui était la proie de sa propre ambivalence, c'était son seul paradoxe. Ouip, lui aussi pouvait être violent, mais il ne le subissait pas, et n'essayait presque jamais de la contenir. Il l'appliquait en toute connaissance de cause, juste parce que parfois la situation s'y prêtait.


L'autre différence entre eux, Russie n'aurait pas su dire de quand elle datait. Il ne l'avait remarqué que récemment. C'était ce qu'il lui enviait et ce qui ne faisait que renforcer son intérêt intrigué vis à vis de Canada. C'était que, malgré son isolement, il avait des amis. Alors attention, Russie aussi, il en a. Oulà, plein, même ! Des amis au sourire contris et au regard douloureux qui ne pensent qu'à détaler à la moindre occasion, des amis qui avaient nécessité un siège acharné et qui n'étaient toujours pas conquis, des amis qui se barreraient au moindre soupçon de faille dans le roc russe, et des amis-qui-veulent-bien-être-amis-mais-pas-devant-les-autres. Tout ça, Russie, il connaissait, et ça lui avait très bien convenu avant, parce qu'il n'avait rien connu d'autre. Et puis l'exception était apparue, et avait disparu, mais en laissant derrière elle une grande leçon : ça peut être autrement. Depuis, il faisait très bien la différence entre amis et amis. Et Canada, malgré qu'il soit négligé, isolé, nié jusque dans son existence, flanqué de la pire des teignes en guise de frère, et, en prime, susceptible d'être violent, eh bien, il avait l'option sans italique. Autant dire que devant ce constat, Russie pataugeait dans une impériale perplexité.


Hormis ça ? Bien sûr qu'ils se ressemblaient. Le canadien avait été avisé de parler de neige, un jour, mais au delà de climat, on peut ajouter que la neige, c'est tout blanc et tout doux, et que ça dissimule ce qu'il y a en dessous. La liste de leurs points communs n'était pas exhaustive cependant : Russie ne connaissait de Canada que ce que tout le monde connaissait. Il était clair que si Canada peinait à exister socialement, c'était entre autres parce que son shiny et très visible frangin prenait toute la place. Russie se trouvait entre une aînée que tout le monde aimait, et une cadette qui ne tolèrait personne à promixité de lui. L'isolement aspirait l'un comme l'autre dans les extrêmes. Canada était prêt à s'aplatir pour obtenir un peu d'attention et, en prime, il parle à une peluche. Russie était prêt à écraser pour obtenir un peu d'attention et en prime, il parle à des fleurs.
Evidemment qu'il s'interessait à lui. Comment est ce que ça aurait pu être différent ? Les similarités ne s'arrêtent pas à la taille, au froid, à la neige, au hockey.

Au hockey... Dehors. Sous le cagnard. C'est du masochisme ? Alors ça par contre, c'est pas un point commun ! Traîner sous le 'beau grrrand' soleil c'est une chose, aller s'y agiter jusqu'à se lyophiliser, c'en est une autre. Ah, euhm... La formule consacrée sur le grand beau joyeux pays libre par contre, c'était pas nécessaire

"... Bien surrr, grrrrande chance nous tous êtrrre ici dans merrrveilleux parrradis. Brrref."  

Oui, Russie peut, rarement mais à l'occasion, produire un ton dégoulinant d'ironie. Mais c'est comme les pensées cohérentes de Feliciano : c'est rare et ça dure pas longtemps. Il retrouva dès lors son ton habituel et son grand sourire toujours aussi inexpressif, pour questionner.  

"Ca êtrrre invitation, da ? ^^ "


Ça êtrrre question piège, da ?

La croyance populaire voulait que le Canada était copain copain avec beaucoup de pays. C'était vrai, certes, sans qu'il ait beaucoup d'efforts à faire. Seulement, si on ne lui disait pas, Canada ne pensait être l'ami de personne. Bien sur, il considérait tout le monde comme son ami, mais il pensait que le contraire était seulement une question de bonne entente vu que la majorité avec qui il parlait oubliait l'existence canadienne. Au moins il savait que dans ses vrais amis, il pouvait toujours compter sur le cubain avec qui il se tenait le plus souvent en dehors de son frère. Son frère qui s'était accaparé toutes les habiletés à communiquer en publique et à aller vers les gens sans gêne. Laissant l'autre jumeau avec la malédiction d'être l'ombre de la première puissance mondiale, un fantôme aux yeux des gens. Matthew n'avait pas envie de forcer les gens à le remarquer. Il ne voulait pas imposer son image comme une certaine personne le faisait. Si quelqu'un le remarquait et daignait l'effort de venir lui parler ou d'entretenir une relation, Canada était près à le considérer comme un ami.

De là à se demander ce que Russie avait derrière la tête. L'étudiant américain ne voyait pas d'objection à devenir ami avec lui. Cependant, ils avaient tellement de points de vus différents l'un et l'autre sur les valeurs de vie et surtout une différence politique assez énorme. On dirait que le canadien avait le tour pour attirer les communistes: Son meilleur ami, son petit ami et maintenant Russie.

Il regarda le grand blond platine, scrutant l'expression faciale du pays qui imposait la terreure dans l'Académie. Canada devait faire partie des seules personnes qui ne craignaient pas la tempête slave, et encore là, ces gens se comptaient sur une seule main. Combien de personne, mis à part ses soeurs, avaient donné une chance à Russie? Les Baltes ne comptaient pas. Ils restaient aux côtés du russe seulement par peur. Mais qui dans toute l'académie, ne soumettait pas Ivan à des préjugés et ne l'évitait pas à cause des rumeurs et de ce qu'il imposait comme ombre. Personne. Personne n'était mieux que la réputation qui précédait le grand solitaire du nord. Pourquoi pas donner la chance à celui-ci vu qu'elle ne s'était pas encore présentée à lui.

"En fait...", commença t'il en reportant son regard sur son bâton."C'est vrai qu'il fait un peu chaud pour aller pratiquer un sport dehors."

Le garçon aux yeux améthystes alla reporter son morceau d'équipement réparé au fond de la salle sur les bureau. Il le déposa sur la pile d'équipement qui attendait bien sagement le retour des temps froids. Canada retourna vers Russie en se dirigeant vers lui, le sourire paisible afficher sur son visage.

"...Mais oui", affirma t'il avant de continuer. "C'est une invitation. De toute façon, personne ne m'attend nul part et les vacances sont mieux passées en bonne compagnie."

Peut-être allait-il regretter son choix de passer sa journée avec le russe, peut-être pas. Il espérait tout de même qu'il allait apprécié la tentative d'amitié non forcé et sans once de peur. C'était une expérience à faire dont le résultat allait surement être intéressant.

Canada était le mieux placé - et le seul - à savoir ce qu'il en était réellement et comment il percevait les choses. Russie voyait ça de l'extérieur, et non seulement de l'extérieur, mais d'assez loin, en plus. Et vu de l'extérieur donc, Canada lui donnait l'impression d'être entouré. Des gens gravitaient autour de lui, et parfois, par-ci et par-là, il avait pu en entendre parler de lui en bien.
Vu les circonstances évoquées précédemment, le mécanisme lui paraissait étrange, quasi fascinant. Maintenant, est ce qu'il avait vraiment en tête de se lier d'amitié avec Canada, alors là, c'est une autre histoire... pour être tout à fait honnête, un tel objectif ne serait pas forcément à l'avantage du canadien. Nouer une amitié, c'est partager beaucoup de choses. Russie ne partage pas. Il prend - en souriant-  ce qu'on lui donne, il prend - en forçant-  ce qu'on lui refuse. Et oui, il donne. Il donne une attention extrême et constante, à peine envahissante.

Dans l'immédiat, il avait très bien saisi la proposition canadienne de passer un moment avec lui. Mais il n'en comprenait pas le dessein, si tant est que Canada soit du genre à avoir des arrières-pensées et à tendre des pièges sournois, dans l'avenir, on verra qu'il en est très capable, hein, ahem ; mais Russie avait beau reconnaître en lui un certain nombre de traits bien familiers, il n'en restait pas moins qu'il ne le connaissait pas à proprement parler. Pour l'heure, il tâchait de sonder l'expression, le regard, les intonations du pitit caribou, pour déceler quelque chose qu'il ne trouva pas. Canada se montrait placide et d'une neutralité cordiale, et ne laissait paraître aucune forme d'hostilité décelable au scanner russe.

Il ne comprenait pas plus qu'il n'avait compris l'agressivité d'un canadien de mauvais poil qui avait ouvertement cherché l'affrontement. Parce que non, il n'avait toujours pas compris ce qui lui avait valu une rage pareille, et puis il faut bien dire qu'il ne s'était pas longtemps posé la question. Russie, le dialogue apaisant, il connaît pas. On tape, il tape. Et en plus, il prend pour acquis qu'il est systématiquement dans son bon droit. Par conséquent, qu'on puisse lui en vouloir lui est absolument incompréhensible. Mais il ne faut pas espérer un retour de même envergure... La bestiole est aussi peu encline à l'empathie qu'à être conciliante.

Autant dire que c'était mal barré. Mais il n'avait pas l'intention d'évoquer la chose. Il se contenta de sourire une fois encore, un sourire tout aussi inexpressif que les précédents, en suivant des yeux le déplacement de Canada qui remettait ses affaires en place.


"D'accorrrd. Nous aller fairrre un tourrr alorrrs, da ?"


Sous entendu, dehors. Parce qu'il fait beau, qu'il fait chaud, et que Russie est assez accro pour ne pas rester dans l'ombre fraîche des bâtiments. Il ajouta néanmoins.


"Condition êtrrre sujet à pas aborrrder. Nous pas parrrler de Chine."


Parce que vu la situation, le sujet en question risquait de vite dévier sur des considérations de liens spécifiques, et, à priori, aucun des deux n'avait envie d'entendre ce que l'autre avait à dire dessus, 'pas ?

Il ne doutait pas, à tort ou à raison, que Canada serait au diapason avec cet avis-là. Le sac fut reposé dans un coin, il reviendrait le chercher plus tard, et retourna vers la porte, pour l'ouvrir... Attendant désormais Canada.